Date de publication7 Jun 2012 - 23:18
Code d'article : 97461

Recrudescence de la violence en Syrie, en attendant la rencontre Poutine-Obama

APT-Beyrouth
Recrudescence de la violence en Syrie, en attendant la rencontre Poutine-Obama
L’émissaire onusien Koffi Annan est allé en Syrie, en quête d’un nouvel engagement de la part du président syrien Bachar Assad. Un engagement qui l’aide dans sa mission. Le résultat a été qu’il a trouvé Bachar Assad plus exigeant que jamais, attaché à « la souveraineté nationale » et déterminé à poursuivre le combat avec les groupes armés jusqu’au bout, s’ils ne remettent pas leurs armes. Un président déterminé à ne pas négocier qu’avec « les personnes raisonnables et non avec les détenteurs d’armes ».

Annan était arrivé à Damas sur un tapis international rouge. Tout le monde condamne le massacre de Houla. Le Conseil National Syrien réclame l’application de l’article VII de la Charte des Nations Unies. Les pays du Golfe s’invitent pour tenir une réunion dans le but d’approuver des mesures plus fermes à l’encontre du régime syrien.
L’émissaire onusien a supposé de nouveau qu’il trouvera le président syrien affaibli, attendant le salut. Il a été déçu. C’est ce qui l’a poussé à dire durant la rencontre et plus tard, que le massacre de Houla « pourrait changer le cours des événements en Syrie ».

Dès la fin de l’entretien, les capitales occidentales ont commencé à excpulser les ambassadeurs syriens.
La Syrie ne communique pas avec Annan comme étant un émissaire international et arabe, puisqu’elle l’a dépouillé de toute députation arabe. Les médias syriens le nomment uniquement « l’émissaire international ». Ce fait renvoie à la manière selon laquelle le président Assad perçoit la mission d’Annan. Il considère que le conflit en Syrie et sur la Syrie, est un conflit international et local. Il estime que les autres pays, notamment régionaux, et plus précisément la Turquie et le Qatar, ainsi que quelques factions saoudiennes (à l’exception du Roi), exercent un rôle opportuniste.
Koffi Annan a entendu des propos en ce sens durant l’entretien. Il a de même compris que des pressions de sa part sont requises, sur quelques Etats régionaux qui financent et arment l’opposition et qu’il doit rechercher la solution politique en Syrie et au niveau international et non auprès des pays régionaux.

Il existe un équilibre international délicat à l’égard de la crise syrienne. Un équilibre qui a atteint actuellement son apogée. Des indices pointent à l’horizon sur un accord américano-russe concernant la non-intervention militaire en Syrie. L’administration américaine a cédé à la volonté russe à ce propos. Le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a déclaré que Washington n’estime pas que l’intervention militaire en Syrie soit adéquate en ce moment, car elle aboutirait à plus de carnages et d’anarchie. Des mots précis, auxquels il ajouté par pur décor, que Washington n’exclut aucun choix, y compris l’option militaire. Ces paroles sont parfaitement similaires à celles du président français François Hollande, sur la possibilité de l’intervention militaire, à condition qu’elle soit conforme à une résolution en Conseil de Sécurité ; La base pour Washington et la France socialiste étant la solution politique fondée sur la démission du président syrien, à la yéménite, ou peut être mieux encore. Washington et Paris réalisent que les Russes et les Chinois n’admettront point l’intervention militaire, quelles que soient les circonstances. Le massacre de Houla est décisif pour Annan et l’occident, alors qu’il est un détail dans le choix stratégique majeur de Moscou et de Pékin. Les autorités syriennes ont formé leur propre dossier sur ce massacre et il parait qu’il portera des surprises.

Ce ne fut point une surprise donc, que le ministère russe des Affaires étrangères publie un communiqué officiel, dans lequel il affirme que « Moscou ne permettra pas que le Conseil de Sécurité émette une résolution sur une intervention militaire en Syrie ». Un communiqué suivi par une déclaration de Chine, qui réitère son opposition à une intervention militaire dans la crise syrienne.

C’est l’un des malheurs des oppositions syriennes toujours dispersées. Une faction de l’opposition refuse l’intervention militaire depuis le début et fait porter la responsabilité d’une telle demande au « Conseil national », (dont le comité de coordination). Une autre faction de l’opposition, notamment le Conseil National, exprime son désespoir face aux possibilités de toute intervention militaire et arrive même à ses leaders d’affirmer qu’ils combattront seuls, puisque le monde ne veut pas appuyer les rebelles. C’est précisément ce qui explique la déclaration du Conseil, de ne plus se conformer au plan Annan.

Le président Assad se fonde sur les positions russes et puis chinoises, tout comme sur l’appui de l’Iran, et sur le maintien de l’unité de l’armée, pour dire à Annan durant leur entretien : « nous acceptons le dialogue avec les personnes raisonnables, mais nous refusons le dialogue avec ceux qui détiennent les armes et qui exercent le terrorisme. Avec ceux-là la guerre est sans relâche. L’armée et les forces de l’Ordre tueront toux ceux qui portent des armes ou qui exercent le terrorisme », car « l’Etat se doit de protéger ses citoyens ».

Koffi Annan est donc arrivé à Damas pour interroger Assad sur les mesures qu’il a prises pour appliquer le plan de l’émissaire international, notamment au niveau de la cessation de la violence. Mais c’est le président syrien qui lui a demandé « qu’avez-vous fait en premier, pour faire cesser la violence ? Votre plan consiste à cesser les actes terroristes et la violence et à retirer les armes. Cependant, le terrorisme s’est intensifié et les armes ont augmenté ».

Une discussion détaillée s’est déroulée sur la méthode de travail de Koffi Annan. Les Syriens reprochent à l’émissaire onusien que son plan est dépourvu de « mécanismes d’application ». Assad a indiqué à Annan que « les pays occidentaux s’empressent d’imposer des sanctions, de déclarer des positions et de multiplier les pressions à notre encontre, au moment où ils croient que nous n’avons pas respecté l’un des points du plan. Mais quelles sont vos mécanismes pour exercer des pressions sur les autres, les groupes armés et les terroristes ? »

Le président syrien a posé un second problème devant son hôte et la délégation qui l’accompagne : « Le plan Annan ne peut-être fragmenté. C’est un package-deal. Comment les pressions se poursuivent pour libérer tous les détenus, alors qu’aucune mesure n’est prise pour contrôler les armes et les groupes armés ». Le président Assad a expliqué à Annan que « des centaines de détenus libérés, sont parfaitement connus dans leur entourage. Comment serait la réaction de cet entourage, si nous continuons de relâcher plus de détenus, sans qu’aucun point du plan international, concernant les armes et les terroristes, n’est appliqué ».

Et puis, pourquoi Annan vient-il uniquement en Syrie, sans aller à d’autres pays qui ont avoué au grand jour leur appui aux armes et aux groupes armés, à l’instar de Turquie, de Qatar, de certaines parties saoudiennes et du Golfe. Bien que le président syrien n’accorde pas une grande importance à ces pays dans les grandes équations, mais il considère que leur rôle au niveau sécuritaire doit cesser, si on voulait faire réussir le plan Annan.

Koffi Annan écoutait son interlocuteur et hochait parfois la tête en signe d’approbation. Cet ancien diplomate originaire de Ghana, âgé de 74 ans, réalise que sa mission est extrêmement compliquée. Il est vrai qu’il attribue une grande part de la responsabilité dans la situation de sécurité au régime syrien, mais il a semblé admettre une bonne partie du discours de son hôte. Il sait parfaitement que sa mission n’a été que pour sauver la face et que les pays influents pourraient répondre à ses appels. Il a expliqué aux Syriens à plusieurs reprises, qu’il a contacté plusieurs pays influents sur les armes et les rebelles, mais sans aucun résultat.

Il a souligné plusieurs fois la nécessité de l’arrêt des violences et de l’application du volet sécuritaire de l’initiative internationale. La réponse fut que « l’Etat assume ses responsabilités afin de protéger ses citoyens et le fera toujours, car son devoir l’exige. Et ce devoir est exécuté selon les lois. Cherchez alors qui transgresse les lois et la Constitution, qui perpètre les tueries contre les citoyens ». Il semble que Annan a approuvé ces paroles.

Le président syrien a délibérément souligné durant l’entretien, le concept de la « souveraineté ». Il se rend compte que ce point est crucial dans tout compromis. Il sait en outre que les Russes et les Chinois approuvent la nécessité du respect de la souveraineté syrienne et d’une solution émanant des Syriens même s’ils avaient besoins d’une assistance extérieur en premier lieu. Chaque fois que Annan soulevait une question relative à la situation de sécurité, au dialogue ou aux compromis, la réplique était un acquiescement de Assad , à condition que la question ne porte atteinte à la souveraineté.

Depuis les dernières Législatives syriennes, les autorités syriennes perçoivent le Parlement comme étant le meilleur lieu pour les négociations et pour déterminer l’avenir politique du pays. Chaque fois que le conflit armé s’accroit sur le terrain, les autorités syriennes sont convaincues que le dialogue avec l’opposition, tel le Conseil National Syrien, est devenu absolument impossible, mais aussi avec plusieurs factions de l’opposition extérieure, surtout que le régime voit que cette opposition a observé un mutisme quasi-total à l’égard des attentats terroristes.
Koffi Annan a dit qu’il faut prendre en compte la dangereuse attitude internationale actuelle vis-à-vis de la Syrie. Il croit que le massacre de Houla pourrait changer le cours des évènements. Il connait parfaitement le président syrien, avec lequel il est lié d’une ancienne amitié, renouvelée. Mais durant cette visite, il a rencontré une personne plus ferme que jamais, qui affirme que le combat durera jusqu’au dernier combattant qui ne se rend pas et que l’occident doit abandonner ses illusions.

Le président syrien ne ferme pas la porte au dialogue. Il sait que des parties de l’opposition, notamment de l’intérieur, et peut être quelques factions de l’extérieur, peuvent faire des compromis. Mais il a prononcé devant l’émissaire des propos significatifs : « Nous effectuons des pourparlers avec les personnes raisonnables et non avec ceux qui portent les armes ».

Qui identifie les personnes raisonnables dans la conjoncture syrienne actuelle ? Et comment trouver une formule conciliant entre un Parlement, que le pouvoir exécutif considère comme un lieu de rassemblement de toutes les factions syriennes, et la reconnaissance d’une opposition hors le Parlement, avec laquelle effectuer un dialogue ?
Le panorama syrien semble plus compliqué que jamais. Mais l’attitude et l’aplomb des autorités syriennes ne semblent pas intimidés par la réalité sur le terrain. Ces autorités paraissent fermes dans l’option militaire, et semblent confiantes notamment de certains changements internationaux, qui serviraient tôt ou tard pour aboutir à un compromis, dans lequel le régime aura un rôle capital.

Koffi Annan est allé à Damas dans le but de trouver du nouveau à annoncer à l’issue de ses entretiens. Il n’a trouvé aucun nouveau cadeau chez Assad, mais plutôt un conseil : « si vous vouliez que votre mission réussisse, vous devez exercer des pressions sur toutes les parties et surtout pour cesser les violences et l’usage des armes ».
Devant le recul de l’occident vis-à-vis de l’intervention militaire, et en attendant le résultat des négociations entre l’Iran et l’Occident, la crise syrienne est placée en face de deux paris contradictoires : un pari indique que l’occident réussira à convaincre Moscou de la nécessité de la démission du président Assad pacifiquement, même si le régime persiste et ce durant l’entretien Obama-Poutine au sommet du G20, prévu au Mexique le 18 et 19 juin. Le second pari affirme que Moscou insiste sur le fait que les Syriens doivent esquisser eux-mêmes, l’avenir de leur régime. Les autorités russes ont toujours applaudi les démarches politiques du président syrien. Moscou a en outre émis un message fort dernièrement. Un porte-parole du président Poutine a dit : « La Russie n’entend pas modifier ses positions sur la situation en Syrie ». Le président russe a de nouveau haussé le niveau du défi avant son entretien avec son homologue américain.

Toute la récente escalade en Syrie et une partie de l’escalade au Liban, les tensions politiques en Irak, au Bahreïn et ailleurs et le début d’un rapprochement sérieux entre l’Iran et l’occident et les tensions qui seraient exacerbées plus tard dans ces pays, tous ces faits s’inscrivent dans le contexte des tiraillements internationaux, en attendant un éventuel compromis qui n’aurait lieu que dans les dernières semaines de la présidentielle aux Etats Unis.
Les Russes et les Américains cherchent à échanger les messages positifs. Parmi ces messages, ce qu’a révélé le conseiller du président Poutine pour les Affaires étrangères, Youri Ochakov, qui a déclaré que Poutine et Obama se sont engagés à poursuivre les efforts, visant à améliorer les relations bilatérales et qu’ils signeront un accord sur la coopération future, durant le sommet du G20.

Cette coopération englobera-t-elle les dossiers d’Iran et de Syrie ainsi que les autres foyers de tensions ou sera limitée au bouclier antimissile ?
Durant ce sommet plusieurs questions pourraient être tranchées ou éclatera alors le grand différend. Dans les deux cas, la mission de Koffi Annan ne sera qu’un moyen pour combler le vide et préserver la face.
Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires du maintien de la paix, a clarifié le parcours des faits dans la prochaine période. Il a déclaré depuis quelques jours lors d’un entretien, que les observateurs en Syrie ont déployé des dispositifs de contrôle pour surveiller les mouvements des forces gouvernementales, avec l’aide de pays étrangers et que le plan Annan est le seul plan disponible et accepté de tous, notant qu’il faut profiter de cette dernière opportunité et entamer un processus politique pour résoudre la crise. Une solution qui consiste à convoquer les deux parties du conflit à la conférence du dialogue et à cesser la violence inacceptable.

Source: Assafir, traduit par: moqawama.org
https://taghribnews.com/vdcdfo0n.yt0596a42y.html
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